mercredi 26 juin 2013

Les Prud'hommes renvoient l'affaire Les 124 ex-Porcher devront attendre l'automne

Déception hier pour les 124 ex-salariés d'Ideal Standard, qui attendaient fébrilement la décision du conseil de Prud'hommes de Charleville-Mézières. Suite à l'audience marathon du mois dernier (nos éditions du 18 mai), les conseillers prud'homaux n'ont pas réussi à se mettre d'accord. Ils ont décidé de renvoyer l'affaire devant un juge départiteur (un juge professionnel du tribunal de grande instance). Celui-ci réentendra tout le monde en octobre, à une date qui n'a pas encore été précisée. Les ex-Porcher devront s'armer de patience, car à l'issue de cette audience, tout porte à croire que le jugement sera de nouveau mis en délibéré. Pour mémoire, l'affaire avait été examinée durant six heures le 17 mai dernier. Défendu par le médiatique avocat Philippe Brun, les 124 ex-Porcher se battent sur deux plans. Ils veulent faire reconnaître d'une part un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'autre part un préjudice d'anxiété liée à leur contact répété avec l'amiante. Devant les juges, Maître Brun avait estimé que l'employeur avait « manqué à son obligation de reclassement », en ne proposant quasiment aucun poste aux employés, et qu'il y avait eu « violation de l'ordre des départs ». L'avocate d'Ideal Standard avait avancé que les salariés, dans le cadre du plan social, avaient signé un accord leur donnant droit, en particulier, à une indemnité de 30 000 euros, accord qui rendait « leurs réclamations irrecevables ». Concernant l'amiante, qui a rendu malades au moins trois salariés entre 2008 et 2010, Philippe Brun avait rappelé que l'entreprise avait tout fait pour éviter une expertise des lieux, qui en étaient pourtant remplis. Rappelons que les sommes en jeu sont colossales. En additionnant les dommages et intérêts demandés, en faveur des 124 ex-salariés, pour le licenciement, pour la violation et pour le préjudice d'anxiété, Ideal Standard pourrait, en théorie, être condamné à verser jusqu'à 20 millions d'euros. Guillaume LÉVY

mardi 11 juin 2013

Ideal Standard : d'anciens salariés montent au créneau

REVIN (Ardennes). L'association Au temps des Porcher, regroupant d'anciens salariés d'Ideal Standard, tient à apporter des précisions sur la dépollution du site et la revitalisation du bassin d'emploi.



Jusqu'ici, elle était restée fort discrète… L'actualité des dernières semaines, concernant la dépollution du site Ideal Standard et la revitalisation du bassin d'emploi l'auront fait sortir de sa réserve.

Créée au lendemain de la fermeture d'Ideal Standard, en juillet 2011, l'association Au temps des Porcher, présidée par Marie-Claude Moriau (*), est en colère et le fait savoir via un très long communiqué.

Tout d'abord, l'association veut rappeler que le dossier amiante a été « monté jusqu'au bout par le CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), en imposant les analyses nécessaires » et poursuit : « C'est lui qui a mis Ideal Standard devant ses responsabilités et ainsi la réglementation a été respectée ! De ce fait, des travaux que nous espérons réglementaires suite à des préconisations qui ont été émises par le cabinet Technologia diligenté par le CHSCT, sont en cours ».

L'association précise à nouveau que l'entreprise Ferrari a été mandatée par la direction pour effectuer le désamiantage. Elle évoque ensuite les six salariés « touchés par l'amiante et reconnus par la CPAM » et s'inquiète : « Dans les années à venir, la liste risque malheureusement de s'allonger ».

En écho aux propos d'élus, Au temps des Porcher regrette également « le coût pharaonique de la démolition et du désamiantage, qui aurait dû servir aux investissements, afin de pérenniser notre site et continuer à faire vivre au minimum 158 familles ».

« Les familles sont éclatées »

Sur les raisons de l'absence des anciens salariés lors de la première étape de la démolition de la tour Porcher, l'association explique : « Les Porcher ne sont pas venus assister au triste spectacle de la démolition de leur usine. Ils n'y étaient pas invités ! Et quand bien même, aucun de nous n'y serait allé. Tous les jours, nous assistons le cœur serré à la disparition de notre outil de travail ».

L'association, se dit par ailleurs « sidérée qu'un vin d'honneur avec petits fours ait été organisé avec les officiels présents ». Pour elle, il s'agit d'« une nouvelle façon de clouer définitivement le couvercle du cercueil de nos emplois ».

Elle s'indigne, dans la foulée, de voir « leur ex-PDG endosser le costume du bienfaiteur, qui entraîne dans son sillage le cortège des officiels à sa suite. Alors que, le seul costume qui lui convienne, dans pareille circonstance, est celui du fossoyeur ».

Enfin, l'association vient apporter des précisions quant à la revitalisation du bassin d'emploi et à l'enveloppe dévolue à cet effet, comme le prévoit la loi : « Dans notre cas, 20 % de cette somme rémunère le cabinet de reclassement. À ce sujet, une trentaine de salariés Porcher ont retrouvé un emploi stable, dont une partie en dehors du département. Les familles sont éclatées. Le personnel sorti du congé de reclassement avec des CDD de six mois et plus, est inscrit aujourd'hui à Pôle Emploi. Il n'y a vraiment pas lieu de se réjouir… »

C'est pourquoi, elle lance cet appel : « Ne croyez-vous pas qu'il est grand temps de faire de l'emploi dans nos Ardennes notre priorité ? »

Enfin, elle termine avec les 20 000 m2 disponibles après réhabilitation du site et qui pourraient être cédés pour l'euro symbolique à la mairie de Revin : « Et pour en faire quoi ? Quand on sait qu'à Revin, les sites aujourd'hui disparus (friche Lebeau, Secomam,…) n'ont jamais été réutilisés. Un peu de modestie… et de respect pour tous les salariés licenciés ! »



(*) Le bureau de l'association est composé de : Marie-Claude Moriau, présidente ; Olivier Herbillon, trésorier ; Yves Bohemitz, secrétaire.

jeudi 6 juin 2013

Les derniers jours de la tour Porcher

REVIN (Ardennes). Hier matin, la pelle à cisaille a entamé le gros œuvre, grignotant à chaque fois un peu plus de la tour Porcher. Il ne devrait rien en rester d'ici à la fin de semaine.

Des craquements résonnent. Autour du bâtiment, s'échappent quelques nuées de poussières.
Démarrée le 28 mai dernier (voir nos éditions du 29 mai) avec la destruction d'une partie en haut du bâtiment, la démolition de la tour Porcher a pris une tournure plus spectaculaire hier matin. L'impressionnante pelle à cisaille, telle une mâchoire mécanique géante a commencé le gros œuvre. Elle décortique minutieusement, petit à petit, la tour, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien.
Comme l'avait relevé lors du premier coup de pelle à cisaille, Benoît Marsaud, président d'Ideal Standard industries France, le préfet Pierre N'Gahane et le maire Alain Roy, avec la disparition de la tour Porcher, c'est un symbole qui s'en va : un pan de l'histoire industrielle de la ville.

L'occasion de jeter un p'tit coup d'œil dans le rétroviseur.
Si la tour à céramique a été vraisemblablement construite dans les années 50, l'entreprise Porcher, quant à elle, existe à Revin depuis beaucoup plus longtemps. Emile et André Porcher créent, en effet, la première usine de sanitaires française à Revin, dans le quartier de la Bouverie en 1886.

La gravité avait un rôle dans le process

L'on retrouve traces de la tour, dans un article de L'Ardennais paru le 20 septembre 1960 relatant les travaux entrepris pour la création d'une nouvelle fonderie : « L'atelier de préparation des émaux disparaîtra pour prendre place dans la tour de sept étages en voie d'achèvement. »

La tour comptait en fait six étages, sans prendre en compte le local du monte-charge.
D'après des témoignages d'anciens ouvriers, le fonctionnement des ateliers à l'intérieur était pensé en lien avec la gravité. Les éléments étaient stockés et triés au dernier étage. Ils subissaient ensuite dans les étages inférieurs les diverses transformations, jusqu'à être réduits en poudre pour obtenir la céramique nécessaire à la fabrication des appareils sanitaires. « À chaque étage, il y avait un processus de fabrication différent. La gravité était utilisée pour faire descendre les produits », confirmait Benoît Marsaud. Hier après-midi, l'inscription « Porcher » était encore visible depuis la rue Pasteur, en haut du pont de la Bouverie, mais elle ne le sera plus pour très longtemps, a priori. La démolition de la tour devrait en principe s'achever en fin de semaine.


Céline SOUHAMI